DECASTAR 2015 : ENTRE PLAISIR ET FRUSTRATION

coertzen zsivocsky

A nouveau, et comme chaque année maintenant, depuis plus de trois décennies, le Décastar a tenu ses promesses. En ce qui concerne le spectacle, l’animation, l’organisation, le public, cette manifestation haut-de-gamme est un véritable petit bijou permettant à tous les amateurs et curieux d’apprécier l’effort et la performance de ces formidables travailleurs de l’ombre que sont les décathloniens.

C’est un vrai bonheur de voir ces garçons et ces filles pour l’heptathlon (mais quand viendra-t-on enfin au décathlon féminin, qui ne ferait que valoriser encore mieux leur talent ?) venus du monde entier disputer la dernière épreuve du calendrier international des Épreuves combinées.

A nouveau, l’équipe des super-actifs Jean-Paul et Nicole Durand, a su attirer partenaires et sponsors, pour nous mitonner un meeting qui sait mettre en valeur des athlètes peu habitués à se trouver à pareille fête en dehors des championnats. Ici, tout est fait pour que les combinards perfent. Et, une fois encore la météo, à peine perturbée par trois gouttes le samedi et un tenace  vent de face pendant le concours du saut à la perche, a elle aussi tenu ses promesses de beau temps.

Ainsi, tout était réuni pour sortir l’artillerie lourde. Mais, on le sait depuis quelques saisons, les rendez-vous d’après championnat en fin de saison ne sont pas propices aux performances. Et avec un plateau qui réunissait seulement 5 concurrents du top20 mondial de l’année (4 après la défection de Mayer), il n’y avait pas beaucoup à attendre. On pouvait espérer que ceux qui avaient manqué Pékin seraient motivés et affûtés; même pas. Certes, Coertzen est devenu, en emportant l’épreuve, le premier Africain vainqueur à Talence, et à bientôt 33 ans, et bien des progrès encore en perspective, le Sud-Africain nous donne une leçon de jouvence. Mais même lui fut plus de 200pts en deçà de son déca de Götzis, et point de record d’Afrique en vue. Distelberger nous semblait en pleine ascension, il dût renoncer. Quant aux « Pékinois », on sentit bien vite que leur épopée chinoise les avait rincés : Félix et Nakamura s’en sortirent avec un nul à la perche ; Kasyanov, longtemps en tête et vainqueur de trois épreuves dont un excellent 13″92 sur les haies, rendit 219pts sur son score des mondiaux ; Auzeil laissât 324pts sur le tapis pour se faire enrhumer sur la fin de l’épreuve par un pugnace Quérin revenu du diable vauvert prendre la 4e place de l’épreuve ; et le favori russe Ilya Shkurenev rendît 565pts, ne parvenant pas à franchir le seuil fatidique des 8000pts. Quant aux glorieux anciens : Hans Van Halphen se fit disqualifier dès le 100m, Pascal Behrenbruch était hors de forme et Romain Barras  lorgnait bientôt du côté de l’infirmerie… ils nous faisaient de la peine, tant nous les avons connus formidables !

Les jeunes étaient présents, et on aurait pu attendre d’eux un frémissement de relève… il n’en fut rien. Pendant un temps Basile Rolnin semblait pouvoir atteindre les 7800pts, il faudra attendre encore un peu, comme pour Ruben Gado ; et l’on sent que tous les deux peuvent bientôt trouver une belle trajectoire. A ce jeu de massacre, personne ne triomphât vraiment. Sauf sur le fait bien établi qu’au décathlon, comme le disait Alain Mimoun du marathon, tout les finishers sont des vainqueurs.,

Chez les filles, les performances ne furent pas beaucoup plus reluisantes. On attendait avec excitation le retour de la championne d’Europe du pentathlon indoor, grand espoir de la discipline, la Britannique Katarina Johnson-Thompson, mais la longueur ne lui fut pas beaucoup plus fructueuse qu’à Pékin où elle avait sombré, et après un pauvre essai au javelot, la grande et talentueuse athlète abandonna, ayant tout de même réalisé 1.87m en hauteur alors que la pluie commençait à tomber et 23″17 sur 200m. De la même manière, les Néerlandaises ne brillèrent pas non plus, malgré une entrée en matière de qualité pour Nadine Visser (12″88 sur les haies) mais qui par la suite fut nettement moins à son avantage, se délestant de plus de 200pts sur sa perf de Götzis ; sa compatriote Broersen, 4e à Pékin, dût, elle abandonner. C’est finalement la Hongroise Györgyi Zsivoczky-Farkas qui l’emportât grâce à un 800m rondement mené, qui avait commencé par un sérieux coup de coude de sa rivale ukrainienne Anastasiya Mokhnyuk. Nos représentantes étaient assez naturellement un peu à la traîne, elles-mêmes très en deçà de leur meilleur de l’année.

Et, pour finir, quelques statistiques :

Sur 12 décathloniens ayant terminé l’épreuve sans faire de zéro, la moyenne de chute par rapport à leur meilleur décathlon de l’année est de 292pts (239pts si l’on enlève Behrenbruch du décompte). Seul Gaël Quérin réalise à Talence sa meilleure performance annuelle. Encore est-ce son plus faible meilleur total depuis 2010 ! Mais, Gaël nous a ravi à la perche et s’il retrouve son javelot, l’année olympique qui vient peut lui ouvrir les bras.

Un petit jeu, encore, avec la meilleure performance dans chaque épreuve :

100m : Kasyanov 10″73            922pts

longueur : Nakamura 7.52m     940

poids : Van Halphen 14.93m    785

hauteur : Felix 2.10m               896

400m : Nakamura 48″59          881

110m haies : Kasyanov 13″92 985

disque : Kasyanov 48.35m      836

perche : Shkurenev 5.25m      988

javelot : Coertzen 67.21m       847

1500M : Quérin 4’20″44          809

TOTAL :                               8889pts

O’Brien, lors de son record du monde à Talence en 1992, a réalisé le score de 8891pts, juste 2 points de mieux que tous les décathloniens réunis ce week-end !

 Merci à Michel Fisquet pour nous autoriser à publier ses superbes photos, visibles aussi sur le site de Decathlon 2000

2 réflexions sur “DECASTAR 2015 : ENTRE PLAISIR ET FRUSTRATION

  1. Il semble bien que les stars de l’Heptathlon que sont Jessica Ennis et Brianne Theisen Eaton n’aient guère envie de prolonger leur saison de compétition au delà du Grand Championnat Mondial Annuel. Les 30 000$ du World Challenge, pas davantage que le prix remis au vainqueur du Decastar ne savent les convaincre de venir à Talence. C’est la 2ème année où Brianne n’avait qu’à venir assurer un heptathlon à 6000 points pour remporter le World Challenge … Nafissatou Thiam pouvait ces deux dernières années également figurer très haut au classement du Top Challenge et elle n’est pas venue …Carolina Klüft n’a jamais eu besoin du Decastar pour remporter 4 fois le challenge mondial. Cette année, la majorité des filles avaient réalisé leurs 3 heptathlons avant le mois de septembre et n’avaient pas besoin d’y venir. Elles y trouvent un grand avantage, celui d’être en vacances un mois plus tôt. Quant à Katarina, elle n’a tout simplement pas eu de chance puisqu’elle s’est blessée aux adducteurs lors de l’échauffement du javelot. Les conditions de compétition pendant le saut en longueur ne devaient pas être non plus très favorables pour réaliser de grandes performances. Aussi enthousiasmant soit il, le Decastar est une compétition bien tardive qui ne motive guère que ceux ou celles qui, bien placés au Challenge Mondial sur deux épreuves, voient cette bien rare possibilité de gagner de l’argent comme une réelle opportunité. Ils et elles sont hélas, de plus en plus rares … Il est tout de même plus facile pour une athlète comme Anouk Vetter de faire un beau total à Ratingen au mois de juin, quelques semaines après Götzis, plutôt que de miser sur le Decastar. Et quant à celles qui comme Carolin Schaefer avaient tout misé sur le Decastar, au point même d’arrêter après la 1ère journée de Ratingen et alors qu’elle était en tête … elle doit s’en mordre les doits depuis qu’elle a raté ses mondiaux à Pékin. Bref, je pense que cette frustration dont vous parliez, risque de perdurer.
    Quant au Decathlon pour les filles, j’espère que ça se fera le plus tard possible parce que j’adore l’Heptathlon, le profil et les qualités des filles qui y excellent. J’imagine mal, par exemple, Katarina Johnson Thompson folle de bonheur d’avoir à trouver le temps de faire du disque, de la perche et du 1500m …

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    • Merci Joël, pour votre contribution au débat, vu sous le prisme de l’hepta. Encore que les filles disputent plus volontiers plusieurs hepta de très bon niveau chaque saison, contrairement aux hommes qui, à l’exception de quelques-uns (Shkurenev cette année), se contentent d’une sélection et du championnat à suivre ! C’est très frustrant pour les amateurs que nous sommes, de ne voir concourir les meilleurs qu’une ou deux fois dans l’année ! Votre commentaire m’a poussé à accélérer un article sur le décathlon féminin que je prévois d’étayer (quand j’aurai un moment pour compléter mes recherches) par un historique méconnu (on a disputé des décas féminins aux Etats-Unis dès 1977)

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